• Presenting Partner

  • Institution

  • Media Partner

1. décembre 2022

Interview: Les souvenirs de Rico Cioccarelli

Rico Cioccarelli a participé à pas moins de 23 WorldSkills et EuroSkills, dont 15 en tant que délégué technique de l’équipe suisse. Au cours des 30 dernières années, il aura marqué le mouvement WorldSkills au niveau national et international comme peu d’autres personnes. A la fin de l’année, il mettra définitivement fin à son rôle de délégué technique et cèdera ses missions internationales à son successeur Martin Erlacher. Pour autant, ce Grison, qui vient d’être nommé membre d’honneur par WorldSkills International, reste fidèle à SwissSkills : en tant que président du SwissSkills Supporter Club, il continuera à s’investir dans sa passion.

Début novembre, de nombreux compagnons de route ont fêté ton départ à Zurich, ton immense engagement a été célébré et tu as été nommé membre d’honneur par WorldSkills International. Qu’est-ce que cette soirée a signifié pour toi ?

C’était une soirée fantastique. J’ai vécu des moments formidables au sein de cette « famille WorldSkills », qui m’a permis de nouer de véritables amitiés. J’ai été très touché par le fait que certains compagnons de route habitant à l’étranger aient également fait le chemin jusqu’à Zurich. J’en ai été très honoré, car cela montre aussi que j’ai fait du bon travail.

Comment expliques-tu que le « virus des WorldSkills » ne t’ait plus lâché pendant trente ans ?

En dehors des nombreuses rencontres, amitiés et expériences formidables au sein de l’équipe, le moteur principal était et reste l’engagement pour la formation professionnelle dans notre pays. Je suis convaincu que notre participation à ces championnats internationaux des métiers nous profite à tous et qu’ils contribuent à nous améliorer. Même si l’on a un standard élevé en Suisse, on constate que d’autres pays sans système de formation dual peuvent aussi faire quelque chose.

Ta première participation aux WorldSkills remonte à 1991. Depuis, tu as vu toute l’évolution des compétitions ces trente dernières années aux niveaux national comme international. Comment les championnats des métiers ont-ils évolué ?

C’est d’une part la perception qui a complètement changé. Bien que la Suisse participe aux WorldSkills depuis 1953, c’est sa participation aux deux WorldSkills de Saint-Gall (en 1997 et 2003) qui l’ont rendue intéressante pour la première fois. Et sa notoriété n’a fait que grimper ces dernières années.

D’autre part, la taille des championnats a changé : avec moins de métiers, l’évènement était plus familial, on était en contact avec toutes les personnes impliquées. Outre le nombre de métiers, les exigences et le nombre de personnes impliquées par compétence ont également augmenté de manière significative.

Tu portes également un regard critique sur cette évolution…

Oui. A mes yeux, les Worldskills ont amplifié les infrastructures de façon parfois inutile. Entre-temps, l’organisation d’un WorldSkills est devenue presque impossible, même pour un pays comme la Suisse, et les dépenses pour les fédérations ne cessent d’augmenter. Cette évolution n’est pas sans danger. J’espère que les expériences positives tirées des WorldSkills décentralisés de cette année permettront d’apporter certaines corrections.

Dans quelle mesure ?

Je vais prendre un exemple. Chez les carrossiers-tôliers, la consigne a toujours été de travailler avec des carrosseries entières. Mais afin de pouvoir trouver un organisateur pour le format décentralisé, il a fallu faire des compromis sur ce point. Aux WorldSkills de Berne, les carrossiers-tôliers ont donc travaillé sur des parties individuelles plutôt que sur une carrosserie entière. Cela a considérablement réduit les coûts de matériel mais aussi le besoin d’espace nécessaire à l’épreuve, et tout ça, sans impacter la qualité de la compétition. Autre exemple : à Lucerne, les 30 cuisiniers et cuisinières se sont partagé huit cuisines au lieu des 15 habituelles d’un WorldSkills « normal ». Et les épreuves se sont déroulées sans accroc.

Le format décentralisé montre qu’il est tout aussi possible de mettre en place des compétitions justes et de haut niveau avec un investissement moindre. J’espère que cette question sera désormais abordée par les pays et WorldSkills International.

Tu as évoqué les WorldSkills décentralisés. Comment les as-tu vécus ?

Je tiens tout d’abord à souligner que sans l’initiative des pays germanophones – et notamment aussi de la Suisse – ce projet formidable n’aurait pas vu le jour. J’ai soutenu cette idée dès le début. Le tout a été mis sur pied en l’espace de 3 mois, ce qui est incroyable.

C’est le changement de dynamique au sein des épreuves impactées par ce format qui sautait aux yeux. Les expertes et experts ont eu un échange beaucoup plus étroit et de meilleure qualité, parce qu’au lieu d’être avec leur délégation, ils ont justement passé leur temps libre ensemble au sein de la compétence. C’était bien plus les un-e-s avec les autres que les un-e-s contre les autres. J’ai reçu beaucoup de retours positifs d’expert-e-s du monde entier.

Et comme je l’ai dit, on s’est rendu compte de l’inutilité de certaines directives de longue date concernant l’infrastructure.

Revenons-en à l’équipe suisse : au fil du temps, la concurrence internationale s’est renforcée. Qu’est-ce qui a changé pour les participants suisses, mais aussi au niveau de l’environnement ?

Toute la préparation et l’encadrement ont fait un bond de géant. Quand j’ai commencé, il y a 31 ans, on se rencontrait pour la première fois six mois avant les WorldSkills. Ensuite, il y avait peut-être une semaine de camp d’entraînement.

Désormais, la préparation est bien plus longue et bien plus intense. Nous travaillons en étroite collaboration avec les associations et recevons du soutien de physiothérapeutes et de coachs mentaux, ce qui est nécessaire lorsque l’on veut rester dans la course au niveau international. Toutefois, cela implique un investissement très important pour toutes les parties prenantes, les associations professionnelles, les employeurs ainsi que les compétiteurs et compétitrices.  

Que doit faire la Suisse pour conserver sa place parmi les meilleures nations aux championnats des métiers à moyen et à long terme ?

Nous sommes et avons toujours été à l’avant-garde. Il est donc plus difficile de s’améliorer en termes de résultats que lorsqu’on vient d’en bas. Nous constatons toutefois que les WorldSkills ont également gagné en importance pour d’autres pays et que la qualité s’en est vue changée. La Chine est devenue de plus en plus forte ces dernières années, la France a rattrapé massivement son retard en vue des WorldSkills de Lyon et s’est retrouvée à égalité avec la Suisse en termes de résultats lors de la WorldSkills Competition 2022.

Nous devons nous prémunir contre tout excès de confiance. Nous devons constamment nous améliorer et jeter un regard critique sur nos performances. La Suisse aussi peut apprendre des autres pays.

Dans quelle mesure ?

Je pense notamment à toutes ces nouvelles professions en lien avec l’informatique ou la technologie. Ce sont les compétences du futur, mais pour lesquelles il n’existe pas encore d’apprentissage professionnel en Suisse. Nous devons donc veiller, avec les associations professionnelles, à ne pas perdre le fil.

Mais j’y vois aussi l’une des grandes opportunités de la participation aux WorldSkills pour l’ensemble de la formation professionnelle. La comparaison internationale nous permet de voir ce qui se passe au niveau mondial en termes de formation professionnelle et nous donne également de précieuses indications sur les domaines dans lesquels nous avons un retard à combler en Suisse.

Partager un article
  • Presenting Partner

  • Institution

  • Media Partner